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mardi, 22 janvier 2008

Article dans le Nouvelliste d'aujourd'hui....

Une âme à la mer

22 janvier 2008 - ENTRETIEN MANUELA GIROUD

CHANSONPascal Rinaldi poursuit son exploration des rivages de l'intime dans son album «Au-delà de cette limite». Visites guidées en fin de semaine.

 

Il y a l'océan, les vagues et la houle, un bateau qui prend le large. A la barre, capitaine Rinaldi tient le cap. L'eau semble étale, mais gare aux apparences. En profondeur, ça brasse, ça grouille. Comme à l'intérieur de Pascal: «J'ai plein de belles anémones et plein de monstres aussi.» Tout ce petit monde cohabite dans «Au-delà de cette limite», album numéro 10 de l'auteur-compositeur chablaisien. Un beau disque sobre et profond, servi par une écriture qui ne cesse de s'affiner.

En attendant de présenter ses nouvelles chansons sur scène dès cette fin de semaine, Pascal Rinaldi s'est prêté au jeu des questions. «Jeu» est le mot, puisqu'elles sont directement inspirées de ses compositions.

Que se passe-t-il quand vous allez «au-delà de votre limite»?

Est-ce que c'est moi qui vais au-delà de la limite ou est-ce que c'est le questionnement des gens par rapport à ce que je peux raconter? En allant dans l'intime, j'ai réalisé que je touchais les gens et que moi je me sentais bien là-dedans. Je continue dans cette veine mais je me demande jusqu'où je peux aller. Les questions de mon entourage par rapport à ça, c'est délicat; l'auditeur, il prend ce qu'il veut, mais les réponses sont dans les questions et peut-être qu'au-delà de ça, il ne faut pas aller.

Comment vit-on avec «cette vaine illusion de vouloir être un ange alors qu'au fond de moi se battent les démons»?

Je me sens de plus en plus torturé par les anges et les démons. Au début, j'avais un peu une image de romantique, je l'ai de moins en moins. Pour faire un jeu de mots un peu gras, je suis passé du romantique à l'homme en trique... ou presque. Ce côté double, cette pulsion est très créatrice mais difficile à vivre.

«Je suis fait de poussière, de boue et de limon», de quoi d'autre?

De lumière aussi et puis d'eau, qui mêle tout ça. Il y a ces choses matérielles et en même temps il y a l'esprit qui habite le tout et qui cohabite avec, ce qui n'est pas facile. Je reviens toujours à cette difficulté de faire cohabiter les différents personnages.

«Abstraction faite» de tous nos défauts - bêtise, intolérance, orgueil - sommes-nous vraiment «de braves gens»?

Pris individuellement, oui. C'est important d'aller à la rencontre des gens, de ne pas s'arrêter à la carapace qu'ils donnent. Des gens peuvent paraître durs en affaires ou en politique par exemple, mais je crois que tout le monde a quelque chose de touchant.

Un artiste peut-il être «désespérément ordinaire»?

Bien sûr, en dehors du fait artistique. A travers le fait artistique, on est forcément pas ordinaire parce qu'il faut exprimer les choses d'une certaine manière, mais dans le fond, on est d'une banalité horrible.

«J'utilise les mots comme une arme érectile»: ça marche?

Quand c'est bien fait, oui! C'est ça le truc, arriver à faire vibrer à travers les mots. Trouver le point G, c'est tout le jeu. Ferré (n.d.l.r.: dont il reprend «La mémoire et la mer») disait: «Les mots c'est comme des balles, quand tu parles, tu tires.» Quand c'est bien employé, ça va, mais ça peut aussi être hyperdangereux.

Il y a plus de jours où «on se trouve un certain talent qui se bonifie avec le temps» ou de jours où vous vous dites «personne n'y a rien compris, le monde est peuplé d'abrutis»?

Actuellement, c'est 60-40, 60 de «jours avec» qui donnent quand même l'énergie de continuer. On va dire que j'ai gagné en confiance avec le temps... Comme je ne suis pas dans le show-business, je fais mes trucs en artisan depuis toujours. Soit on est content de ça parce qu'on arrive à en vivre, qu'on a cette liberté et ce bonheur de continuer à le faire. Soit on se dit: je me contente de ça parce que je ne suis pas capable de plus, les autres sont des cons; je ne suis pas dans cette dynamique. Si c'était le cas, je serais aigri et si j'étais aigri, je ferais de la merde certainement, ça deviendrait pathétique.

Finalement, vous êtes plus «textuel» que «sexuel», comme garçon.

C'est vrai. (...) J'ai de moins en moins envie d'écrire des choses légères. J'ai mis longtemps à refaire des chansons parce que je ne voulais pas écrire n'importe quoi. Finalement, j'aimerais pouvoir n'écrire plus qu'une seule chanson, celle qui dit tout, qui suffit, et après tu n'écris plus, tu meurs ou le monde disparaît. Je cherche un peu la pierre philosophale...

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